L'actualité de demain : TOUR DE CHAUFFE SUR LA DETTE, par François Leclerc

Billet invité.

Le passé éclaire l’avenir, ce n’est pas Madame Irma qui pourrait le nier. En application de ce principe fondamental, il n’y a parfois qu’un pas de l’actualité de la crise à celle de demain. Le bureau du Procureur général des États-Unis vient de le franchir. Dans un avis rendu, il a considéré que la Cour d’appel de New York, saisie par le gouvernement argentin, devrait invalider la décision d’un juge fédéral du même État qui lui avait ordonné de rembourser à deux fonds vautours, NML et Aurelius, la valeur nominale d’obligations souveraines qu’ils avaient acheté à bas prix en 2001 ; ils avaient auparavant refusé de subir une décote de deux tiers en moyenne acceptée par la majorité des créanciers.

Il s’en était suivi le blocage rocambolesque dans un port ghanéen de la frégate argentine Libertad, sur décision du tribunal de commerce d’Accra et à la demande de NML, suivie de l’injonction par le Tribunal international du droit de la Mer, qui siège à Hambourg, de libérer le trois-mâts navire-école, ce qui fut fait. L’avis du bureau du Procureur général est en faveur de la position du gouvernement argentin, qui a fait valoir qu’accéder à la demande des fonds vautours serait contradictoire avec le principe du pari passu – c’est à dire d’égalité de traitement – étant donné l’accord de remboursement partiel obtenu de la majorité de ses créanciers. En conséquence, il a proposé aux fonds de bénéficier des mêmes conditions, ce que ceux-ci ont refusé afin de toucher le gros lot.

La référence au pari passu, présenté par le bureau du Procureur général comme un principe correspondant « aux efforts de longue date du gouvernement américain pour promouvoir la restructuration ordonnée de la dette souveraine », a une importance qui dépasse le cas argentin. Elle s’inscrit dans le contexte de restructurations qui pourraient être appelées à être renouvelées, notamment en Europe, à nouveau en faveur de la Grèce pour commencer. La dernière en date n’a d’ailleurs réussi que de justesse, les fonds vautours ne s’étant pas précipités pour l’accepter, et il a fallu que les banques grecques, grosses détentrice de titres, en apportent à l’échange plus que prévu. Empêcheurs de tourner en rond, les fonds vautour vont-ils prendre en compte l’avertissement qui vient de leur être adressé ?

D’autres épisodes réglementaires ne devraient pas manquer de suivre, afin de permettre d’autres remises de peine quand il n’est plus possible de les éviter, car elles représentent alors un moindre mal.

22 réponses sur “L'actualité de demain : TOUR DE CHAUFFE SUR LA DETTE, par François Leclerc”

  1. J’avais eu vent de l’histoire rocambolesque, ainsi que de son origine, mais pas de ce principe d’égalité de traitement : c’est un coin magistralement enfoncé dans le fondement du néolibéralisme ! Cela me fait dire que « l’actualité de demain » démarre sur les chapeaux de roues et en beauté !

    1. Ce fut ma première réaction: l’actualité de demain,
      c’est bien cela, commencer à abattre d’abord la dictature du capital.

      Commencer par des coupes claires (haircuts) est utile.
      Mais c’est toute dette vis à vis des créanciers qu’il faudra annuler,
      comme cela a été fait de façon répétée dans l’histoire.

      Le capital n’a cessé de gonfler, aux dépens du travail,
      jusqu’au point où il est menacé de se noyer dans son sang.
      L’heure est à sortir du cadre, par tous les moyens qui s’imposeront.

      Débarassée de la dictature du capital,
      l’espèce humaine commencera alors à explorer
      les chemins de la démocratie réelle,
      avec encore et toujours chemins de traverse,
      boulevards d’illusions, impasses furieuses,
      et percées fulgurantes.
      Alors commenceront les incursions demain.

  2. Il n’empêche que sous prétexte de droit on passe près d’un règlement en faveur de fonds qualifiés à tord de vautour (une injure pour eux, si nécessaire à l’équarrisage naturel) qui opère en toute illégalité vis à vis du droit de l’humanité.
    Simplement permettre cela est tout simplement criminel,
    je parle, bien sur de l’existence m^me et du fonctionnement de ces fonds

  3. L’actualité de demain, on la trouve aussi en Grèce puisqu’il y a tout lieu de craindre qu’elle ne soit effectivement un « laboratoire ». Dans un billet récent, Panagiotis Grigoriou écrit :

    Nos pratiques s’adaptent rapidement, sauf que souvent, il s’agit alors d’un drame supplémentaire. Les enfants ont toujours chanté par exemple dans les rues ou devant les boutiques la veille de Noël et de nouvel an en Grèce, pour recevoir en cadeau quelques pièces. Seulement, depuis l’année dernière et surtout cette année, c’est-à-dire hier (24/12), de nombreux enfants ou adolescents ont été agressés par d’autres adolescents. Ils se sont ainsi fait voler leur « récolte de fête » (reportages radiophoniques et télévisés – 24/12).

    A défaut de pouvoir faire quelque chose, il faut au moins se souvenir.

  4. Article de Naomi Wolf :
    Le FBI au service du cartel des banques afin d’écraser le mouvement «Occupy», comme dans Occupy Wall Street. Désolé, mais on dirait que nous ne sommes pas vraiment dans l’hystérique théorie générale du complot « à la sauce Alex Jones », mais plutôt dans son application.

    Pourquoi cette action? Parce que le public réalise l’ampleur du crime économique dont il est le sujet. Est-ce que le cartel de la finance crée un État-Policier à sa main?

    http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2012/dec/29/fbi-coordinated-crackdown-occupy

    1. l actualité de demain , voila une de ces facettes, le monstre commence a se decouvrir, la lutte va etre feroce et le nouveau cadre va peut etre en emerger

    2. Dans les mois qui viennent, les façades démocratiques vont se lézarder de plus en plus.
      L’essence de la démocratie considérée comme l’idéologie dominante va se révéler au grand jour, au grand dam de ses thuriféraires.

  5. La cour suprême des USA n’aura pas le dernier mot sur ce genre d’affaire?

    Parce que là, je crains le pire.

  6. Et quid du second navire Argentin bloqué en Afrique du Sud ? Qu’un fond de placement, basé aux Caïmans, donc pas forcément très légal, puisse en appeler à la justice est déjà déroutant, mais qu’un juge accepte d’étudier le dossier et de statuer en la défaveur d’un état en dit long sur le niveau de déliquescence de notre société.

    Je croyais benoîtement la souveraineté des états inattaquable ! Après tout nous ne sommes pas si loin du conseil donné par Angela Merkel à l’état Grec de vendre ses îles pour sortir de la crise.

    Vaut-il mieux vendre qu’être saisi ?

    1. Ni vendre, ni être saisi mais résister !

      Extrait de :
      (http://greekcrisisnow.blogspot.gr/2012/12/lannee-enfumee.html)

      Car pour rester dans les grandes vérités, on sait aussi ce que signifie le Traité – Mémorandum III, ratifié par 153 « parlementaires » grecs, dont le décret vient de paraître au journal officiel de l’ex-pays (12/12/2012 – FEK 240).

      C’est alors la fin officielle de la souveraineté et de la vie démocratique et politique je crois si on tient compte du texte lui-même : « (…) The « Amendment Agreement » is made by and between: (A) European Financial Stability Facility (« EFSF »), a société anonyme incorporated in Luxembourg with its registered office at 43, avenue John F. Kennedy, L-1855 Luxembourg (R.C.S. Luxembourg B153.414), represented by Mr. Klaus Regling, Chief Executive Officer or Mr. Christophe Frankel, Deputy Chief Executive Officer; (B) The Hellenic Republic (hereinafter referred to as « Greece » or the « Beneficiary Member State »), represented by the Minister of Finance; and (C) The Bank of Greece (hereinafter referred to as the « Bank of Greece »), represented by the Governor of the Bank of Greece This Amendment Agreement and any non-contractual obligations arising out of or in connection with it shall be governed by and shall be construed in accordance with English law. (…)

      4.2 The parties undertake to submit any dispute which may arise relating to the legality, validity, interpretation or performance of this Amendment Agreement to the exclusive jurisdiction of the courts of the Grand Duchy of Luxembourg. 4.3 Clause 3.2 is for the benefit of EFSF only. As a result, nothing in Clause 3.2 prevents EFSF from taking proceedings relating to a dispute (« Proceedings ») in the courts of the domicile of the Beneficiary Member State or of the governing law of this Amendment Agreement and the Beneficiary Member State hereby irrevocably submits to the jurisdiction of such courts. To the extent allowed by law, EFSF may take concurrent Proceedings in any number of such jurisdictions. 4.4 The Beneficiary Member State, the Bank of Greece and the Hellenic Financial Stability Fund each hereby irrevocably and unconditionally waives all immunity to which it is or may become entitled, in respect of itself or its assets, from legal proceedings in relation to this Amendment Agreement, including, without limitation, immunity from suit, judgement or other order, from attachment, arrest or injunction prior to judgement, and from execution and enforcement against its assets to the extent not prohibited by mandatory law (…) »

      (L’esclavage est aussi un plat…. qui se prépare)

      Bonsoir à touts les amis du blog de Paul Jorion
      Athènes sous la pluie et le mémorandum III !

  7. Cette affaire est très intéressante en ce qu’elle montre la hiérarchie au sein du monde financier. Les fonds vautour sont en effet des outsiders et on préfère leur clouer le bec plutôt que de mettre en péril les cadors de la finance.
    On sait que par exemple l’Argentine n’a fait défaut sur aucune dette due au FMI, à la Banque mondiale, etc. Au contraire le FMI a même été remboursé en avance début 2006. Ce sont les investisseurs individuels (argentins et étrangers), c’est-à-dire les petits épargnants, qui ont trinqué.

    Dans le Monde Diplo, un très bon article mettant en parallèle la restructuration argentine et grecque: http://www.monde-diplomatique.fr/2012/04/LEMOINE/47600

  8. Je suis d’accord avec toute personne affirmant que la finance est en bout de course, qu’elle est antidemocratique, inhumaine, etc,,, La question qui se pose immediatement est alors : que mettez vous a sa place ? Je ne vois pas ces gens lacher leur pouvoir sans se battre ferocement.

    Dans cette histoire, c’est la liberte qui a ete arraisonne. Cette fois, elle a ete relachee parce que les autres ont accdepte un arrangement different, pas parce qu’elle represente un principe superieur au pouvoir de l’argent.

    Les rapports de force et d’argent ont des points communs. Ils sont laics, rationnels, sans lien avec toute morale, sans interference avec des desirs et des defauts humains, totalement materialistes et sont des mises en competition de plusieurs acteurs. Notre societe est basee la dessus. La crise actuelle me dit que ce truc est en plein naufrage. Je doute donc qu’un reamenagement suffira.

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